Des spectateurs qui s’esclaffent dans les gradins, un animateur de foule qui s’agite pour amplifier les réactions, un humour burlesque assumé et sans prétention, une famille un brin dysfonctionnelle et Benoît Brière dans l’un des arts qu’il maîtrise le mieux, c’est-à-dire s’affubler en femme pour dérider la galerie. Chez Madame Lebrun, sitcom que Super Écran ajoutera à sa programmation à compter du 27 mai, on ne se prend pas au sérieux et on s’amuse en toute légèreté.
La formule de Madame Lebrun est adaptée de l’émission MRS. Brown’s Boys, de la BBC Écosse, avec Brendan O’Carroll dans le rôle-titre. Ici, qui d’autre que Benoît Brière aurait pu interpréter cette mère de famille à la langue bien pendue, irrévérencieuse, pleine de préjugés, qui met son nez partout et qui a une opinion sur tout?
Pour l’encadrer dans cette aventure tout sauf monotone, le comédien peut compter sur l’appui de René Richard Cyr à la mise en scène et de Luc Sirois à la réalisation. Maryse Warda a traduit et adapté les textes originaux, et Madame Lebrun est une production de la nouvelle boîte 1R2D, de Denis Savard (LOL, Complexe G) et Daniel Michaud (Le Sketch Show, Complexe G).
Dans le clan de cette chère Germaine Lebrun (le prénom allait de soi), qui approche la soixantaine, veuve depuis longtemps, il y a Carole (Sylvie Moreau), sa fille de 37 ans à la recherche de l’âme sœur, ainsi que ses trois fils : son aîné Marc (Michel Laperrière), un charpentier analphabète niais, candide et soumis, son deuxième Gaëtan (Éric Bernier), homosexuel qui craint d’avouer son orientation sexuelle à sa mère qui, elle, fait tout pour ne pas l’entendre, et son troisième Bruno (Pierre Hébert), un comédien raté qui nie son boulot de mascotte pour faire croire qu’il travaille en publicité, et est aux prises avec des troubles judiciaires après avoir commis un cambriolage.
Les brus de Madame Lebrun, Geneviève (Sarah-Jeanne Labrosse), compagne de Bruno, et Élisabeth (Hélène Major), doivent évidemment en découdre avec les humeurs de leur belle-maman, tout comme Adélard (Pierre Collin), le beau-père de Germaine, un vieillard paresseux et plaignard qui prendra plaisir à faire rager notre «héroïne».
La voisine et grande amie de celle-ci, la naïve Margot (Pierrette Robitaille), et Steve (Marc Beaupré), le meilleur ami délinquant de Bruno, que Germaine déteste, complètent le noyau présent dans presque tous les épisodes. D’autres comédiens, comme Stéphane Archambault, Violette Chauveau, Luc Senay et Normand Lévesque, passeront tous dans les décors de Madame Lebrun le temps d’un rôle épisodique pendant la saison.
Encore pertinent
La spécificité de Madame Lebrun, c’est son côté «théâtre d’été». Si les gens présents en studio bénéficient de l’instantanéité des saynètes, des bloopers – qu’on conserve pour la plupart, afin d’accentuer l’effet de proximité avec le public -, le téléspectateur, lui, profite du point de vue inédit de Madame Lebrun, qui s’adresse souvent directement à la caméra et brise ainsi le quatrième mur.
Chaque scène de Madame Lebrun est automatiquement enregistrée deux fois sur le plateau, séparé en trois décors, celui de la cuisine, du salon et de la taverne, et érigé dans un immeuble à vocation cinématographique du sud-ouest de Montréal. Les prises les plus comiques, celles qui ont le plus suscité d’enthousiasme dans l’assistance, sont retenues au montage. Le tournage d’un épisode complet dure plus ou moins 3h30.
Implicitement, on comprend que Madame Lebrun ne donne pas dans la subtilité, avec ses partys de Noël tonitruants, ses cascades, ses explosions et ses chorales gospel. Mais ce ton burlesque n’en exige pas moins des performances très calculées, très précises, comme lorsque Benoît Brière doit s’élancer et tomber tête première dans un seau. S’il rate le tour deux fois de suite, la scène est fichue….Mais les spectateurs en auront peut-être mal aux joues de rire. En ce sens, Benoît Brière est convaincu qu’une sitcom comme Madame Lebrun a sa place sur les ondes québécoises. Km/h, avec Michel Barrette, à TVA, qui a pris fin en 2006, a été l’un des derniers produits du genre dans nos télévisions.
«C’est un immense succès à BBC Écosse, plaide Benoît Brière. C’est du théâtre à la télévision, et on se permet de laisser rouler les caméras. Dans l’éventualité où il y a un problème, un pépin, on continue, on fait avec, comme au théâtre. C’est pour ça qu’on dit que c’est un peu burlesque. On verra, au final, si c’est conservé au montage ou pas. Mais ça donne l’occasion d’être complètement loufoque, et c’est très particulier pour le public qui vient nous voir jouer. C’est une folie furieuse de remplir la salle de 200 places.»
Le producteur Daniel Michaud, pour sa part, vante la qualité des textes de MRS. Brown’s Boys. Au départ, la version initiale ne devait pas être enregistrée devant public, mais le résultat tombait un peu à plat. L’ajout d’un parterre de spectateurs a complètement changé la dynamique et, depuis, MRS. Brown’s Boys cartonne dans les régions anglo-saxonnes et au Canada anglais.
«Les personnages ne sont pas typés et n’ont rien à voir avec Thérèse et Réjean de La petite vie, explique Daniel Michaud. On est dans une famille un peu pauvre, avec des gens normaux. Tout tourne autour de Madame Lebrun, elle se mêle de tout, elle est en chicane avec tout le monde. Elle est ratoureuse…»
«Je pense que Monsieur Gilles Latulippe serait ravi de voir arriver une œuvre comme celle-là», estime René Richard Cyr.
Transformation
Et comment Benoît Brière, qui a non seulement enfilé la robe dans les messages commerciaux de Bell, mais aussi dans la pièce La cage aux folles, parvient-t-il à réinventer son aura féminin d’une fois à l’autre?
«Rapidement, René Richard m’a suggéré de mettre de côté Madame Bell. D’abord, parce que ça fait déjà huit ans que ces publicités ne roulent plus, et parce que Madame Lebrun est un personnage beaucoup plus déjanté et irrévérencieux. On va l’adorer, et on va adorer la détester. On est loin de la maman couveuse qu’était Madame B.»
«Ce que j’ai constaté de la performance de Brendan O’Carroll quand il joue Madame Brown, c’est qu’il ne se casse pas trop la tête. C’est un gars habillé en femme. Moi, j’avais envie d’aller un peu plus loin et de la féminiser un brin. En même temps, elle a beaucoup de cran, de caractère. Elle a tenu sa famille de six enfants seule, son mari étant décédé», continue Benoît Brière, qui prend environ quarante-cinq minutes pour enfiler sa bourrure - un peu chaude, mais confortable, précise-t-il -, ses bas culottes et se recouvrir le visage d’un léger maquillage.
Madame Lebrun repose sur un budget d’environ 200 000$ par épisode. Super Écran en détient les droits de diffusion pour au moins trois ans ; ensuite, les rediffusions de Madame Lebrun pourraient aboutir sur une autre antenne appartenant à Bell Média, comme Canal D. La première saison – il pourrait y en avoir deux autres ensuite – compte 10 épisodes de 30 minutes.
Madame Lebrun, le mercredi, à 20h, dès le 27 mai, à Super Écran.
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