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Qu'est-ce qui nous rend accro? Notre génétique y serait pour quelque chose!

Comment devient-on accro à la cigarette?
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Martin McCarthy via Getty Images
A model of a molecule of Glutamic Acid, an amino acid. Amino acids are the building blocks of proteins and have many functions in metabolism. In particular, Glutamic Acid has an important function in cell metabolism and neurotransmission.

Les dépendances sont des mécanismes complexes. Comment devient-on accro à la nicotine, au cannabis, aux drogues dures? On a des réponses, mais la vue d'ensemble reste encore à construire. Des neurobiologistes du laboratoire Neurosciences Paris-Seine (Institut de biologie Paris-Seine, CNRS/Inserm/UPMC) et de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas (McGill University, Montréal, Canada), viennent d'apporter leur pierre à l'édifice.

Dans une étude publiée ce mardi 4 août dans la revue Molecular Psychiatry, ils fournissent une preuve que la génétique joue un rôle dans le développement des addictions. Plus précisément, ils ont identifié un neurotransmetteur - le glutamate - qui contribuerait à la régulation des addictions.

Mais avant d'en arriver là, revenons sur ce que l'on sait des mécanismes d'addiction.

Système de récompense

Il faut tout d'abord savoir que dans notre cerveau, les neurones communiquent entre eux. Ils s'envoient des signaux, transportent des messages. Pour arriver au bout d'une transmission, le neurone passe par un neurotransmetteur, qui est un composé chimique qu'il libère et qui agit sur d'autres neurones. Or, "depuis les années 50, on sait que toutes les drogues agissent sur les neurotransmetteurs", explique au HuffPost Salah El Mestikawy, chercheur en neurosciences au laboratoire Neurosciences Paris-Seine, l'un des auteurs de l'étude.

A savoir également, le cerveau est composé de différentes structures, parmi lesquelles le noyau accumbens, plus généralement connu sous le nom de "système de récompense".

Pourquoi c'est important? "Imaginez que je vois un billet de 100€ par terre. C'est mon système de récompense qui me fait accélérer le pas, qui me fait sursauter peut-être. Sans lui, j'aurais pu me dire que je reviendrai dans cette même rue récupérer le billet demain", illustre le chercheur. Ce système est activé, dans ce cas, en pensant au plaisir provoqué par l'action de "gagner" 100€.

Mais, détaille-t-il, "un certain nombre de substances dans la nature peuvent, en quelques sortes, 'kidnapper' ce système: le poker, les jeux vidéo, le sexe". Et... les drogues. On sait en outre qu'à chaque fois fois, le cerveau libère de la dopamine, neurotransmetteur qui permet d'anticiper la récompense. Cette libération entraîne une sensation de plaisir.

Plus d'informations sur le fonctionnement des dépendances dans la vidéo ci-dessous:

Ce que les chercheurs ont montré, c'est que chez une petite population de neurones, le glutamate, le neurotransmetteur le plus important dans le cerveau, permet de réguler la dopamine et par conséquent le comportement addictif. Il peut dire "stop" au cerveau. Mais chez certaines personnes, qui ont une mutation génétique, ce rôle ne serait plus assuré, favorisant un terrain addictif.

Mutation génétique

Pour ce faire, ils ont d'abord supprimé le gène (du nom de VGLUT3) essentiel dans la communication par le glutamate, chez des souris. "Dans une cage, reliées à un cathéter, les souris pouvaient décider de donner un coup de nez sur un bouton si elles voulaient de la cocaïne. Par rapport aux autres souris, qui étaient toujours porteuses du gène, celles-ci donnaient plein de coups de nez. Après un mois d'abstinence, elles se jetaient même dessus. On peut dire qu'elles étaient 'accro à la cocaïne'", explique le chercheur. Sans ce gène, le glutamate ne pouvait donc pas jouer son rôle de régulateur de dopamine.

Ce constat a par ailleurs été confirmé comme étant à l'oeuvre chez l'homme. Les chercheurs ont fait appel à l'Institut Mondor de recherche biomédicale pour observer les gènes d'une cohorte de 250 personnes "polytoxicomanes". Surprise, 5% des personnes de ce groupe avaient une mutation génétique (du VGLUT3), alors que ce taux n'est que de 0,5% chez une population contrôle (sans problème addictif ni antécédents), un écart frappant.

Cette étude montre donc que le glutamate joue un rôle très important dans phénomènes de dépendance, alors qu'on croyait que c'était surtout le travail d'un autre neurotransmetteur, l'acétylcholine. Et que ce rôle semble ne pas pouvoir être assuré chez certaines personnes porteuses d'une mutation génétique.

"Nous avons pu identifier un facteur génétique responsable de l'addiction et montrer que nous ne sommes pas tous égaux face à la dépendance. Certaines personnes sont plus vulnérables que d'autres", ajoute Salah El Mestikawy. "Ce terrain génétique, défavorable lorsqu'il y a consommation de drogue, peut en revanche devenir un avantage" si la dépendance est, par exemple, sportive. "C'est pourquoi il est important d'informer nos pré-adolescents de ces enjeux", conclut le chercheur.

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