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SPVM: le culte du secret

Dans mes dernières années au SPVM, je ne compte plus le nombre de fois où mes patrons m'ont avisé de ne pas parler aux journalistes. Ce fut de pire en pire dans les derniers mois. Par chance, ils n'y pouvaient plus grand-chose. Je partais à la retraite.
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Le journaliste et chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé, déjà victime d'intimidation policière de la part d'enquêteurs de la Discipline, a écrit un papier cette semaine suite à la démission du commandant Ian Lafrenière de la fameuse section « Relations publiques ». Ce n'est pas que j'aime particulièrement Ian Lafrenière, un arriviste qui a passé 20 ans à surveiller ses paroles, mais le désaveu du directeur est un signal du changement de garde qu'opère l'opaque homme de main de « Denis premier », le maire de Montréal. Peut-être que nos élites trouvaient que le commandant des relations publiques en menait large, qu'il n'arrivait plus à contrôler les messages et qu'il avait des amitiés journalistiques pouvant nuire au culte du secret. Ce n'est certes pas l'intéressé qui en parlera ouvertement. Il sera donc remplacé par un spécialiste « civil ». En attendant, nous avons droit à une commandante.

Pour le reste du corps policier, il y a pire. Le troupeau doit se taire. « Il ne faut plus parler aux journalistes. » En fait, il ne faut plus leur dire la vérité. Raconter ce qui se passe dans les rangs devient une tare. Il faut comprendre que depuis les cinq dernières années, les scandales se succèdent. Le dernier en date touchant un commandant possédant une holding de 25 millions de dollars. Le commentaire sarcastique du directeur à l'endroit des journalistes aura été éloquent. Plusieurs de ces secrets seraient pourtant demeurés inconnus si des policiers écœurés ne s'étaient pas confiés aux journalistes.

Yves Francoeur, le président vieillissant de la Fraternité des policiers, avisait lui aussi cette semaine les membres de son syndicat de faire attention aux enquêteurs de la section discipline. Écoute électronique, filature, intimidation, promesses, mensonges, tout est permis. Qu'ils aient raison n'a pas d'importance, les bavards seront punis.

Je me souviens des membres de cette section qui, à l'époque, se servaient de tous les moyens les plus tordus pour accuser les flics qu'ils croyaient fautifs. Menaces aux témoins policiers, non-respect des droits, rapports pour le moins inventifs, incitation à l'exagération et intimidation sur les témoins civils ainsi que sur les policiers suspectés. Tentatives de négociation de sentences avant les auditions. Des phrases comme : « Là, on t'a! » Ou « parle-moi comme à ton père ». « On le sait, le gars qui t'accuse est un pourri, mais plaide coupable, on va s'arranger pour un petit trois jours de suspension ». Puis, s'ils ne pouvaient rien trouver, ils t'accusaient d'un truc comme usage négligent d'une pièce d'équipement, tenue négligée, de ne pas avoir fait de rapport sur l'événement. Tout ça pour des cibles à atteindre, faut bien démontrer son utilité.

Dans mes dernières années de travail au SPVM, je ne compte plus le nombre de fois où mes patrons m'ont avisé de ne pas parler aux journalistes. Ce fut de pire en pire dans les derniers mois. Par chance, ils n'y pouvaient plus grand-chose. Une suspension, une enquête? Je partais à la retraite, alors ils pouvaient tous aller se faire voir. Mais pour les plus jeunes... ceux qui ont peur, car plusieurs ont peur. Des gars qui maintenant te disent : « Ça ne me regarde pas », quand on leur démontre des faits. Oui, vaut mieux en savoir le moins possible, ne pas voir, ne pas entendre, ne pas parler. Ça me rappelle quelque chose : les trois singes de l'omerta.

Alors, la grande censure va continuer de frapper et de plus en plus fort. Comme le disaient certains policiers : « Ce qui se passe au département, ne regarde que le département ». Les amis du régime pris la main dans le sac auront droit à des départs à la retraite, les autres, tout dépendra si ça sert les intérêts du moment. Un de mes lieutenants, qui deviendra officier supérieur, avait cette phrase : « Égalité pour tous, favoritisme pour les amis ». Tout ça sous le couvert du secret.

Il y a quelque chose de pourri au royaume du « Servir et protéger ».

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Des gens en noir? (credit:Claude Aubin)

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