Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Une précommission à la commission d'enquête sur les femmes autochtones disparues

Une précommission d'enquête sur les femmes autochtones disparues
|

La commission d'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées pourrait avoir jusqu'à cinq volets régionaux, en plus de la commission nationale, selon les plans proposés à la ministre des Affaires autochtones.

Un texte de Christian Noël

Carolyn Bennet doit d'ailleurs annoncer, dès la semaine prochaine, la première étape du projet : la mise sur pied d'une précommission d'enquête, afin de consulter les victimes, leur famille et les groupes autochtones.

Selon ce qu'a appris Radio-Canada, la précommission va notamment se pencher sur :

  • L'aide psychologique à offrir aux participants avant, durant et après la commission ;
  • La gestion des révélations possiblement criminelles, de même que leurs retombées dans les communautés visées ;
  • La nécessité d'inclure le rôle de la pauvreté et l'attitude des forces de l'ordre dans le traitement des femmes autochtones ;
  • L'inclusion des hommes et des garçons autochtones dans le processus ;
  • La mission d'éducation du public de la commission.

«On doit écouter les familles dès le début, disait la ministre Bennett la semaine dernière, pour qu'elles aient leur mot à dire sur le mandat, le fonctionnement, et la durée de la commission. C'est la seule façon d'atteindre des résultats concrets.»

1200 femmes autochtones ont été assassinées ou portées disparues depuis 30 ans au Canada. Toutes proportions gardées, c'est de trois à quatre fois plus que dans la population canadienne en général.

«C'est plus qu'une commission pour faire ressortir des faits, explique le grand chef de l'Ontario, Isadore Day. Ça fera ressortir des émotions très fortes, très vives. On touche à la vie du vrai monde, il faut être prêt à s'occuper des répercussions.»

« Ta mère est morte »

L'aide traditionnelle et psychologique est l'élément essentiel pour encourager les victimes à témoigner, selon Cherilyn Panamic-Ense. Sa mère Clarene a été tuée par son conjoint quand Cherilyn avait 13 ans.

«Il y avait beaucoup de drogues et d'alcool quand il était à la maison, se souvient Cherilyn. Il était violent et il la battait. Souvent, je m'assoyais à côté d'elle sur le lit. J'essuyais ses larmes, je la réconfortais, je lui disais que je l'aimais.»

Sa voix est déchirée par les sanglots, à plusieurs reprises, alors qu'elle raconte ces tragiques événements.

Un soir après une dispute particulièrement violente, sa mère lui confie «Il est fou! J'ai peur qu'il me tue.»

Le lendemain matin, «la maison était sens dessus dessous. Du verre brisé partout, des chaises renversées», décrit-elle. Sa tante et sa grand-mère étaient en larmes. Elles lui ont dit : «Ta mère est morte, c'est lui qui l'a tué. Il l'a frappé avec sa voiture, à haute vitesse, sans s'arrêter.»

Reconnu coupable d'homicide involontaire, il a purgé seulement deux ans de prison. «C'est comme si la vie de ma mère ne valait pas grand-chose», déplore Cherilyn.

Cherilyn a maintenant 38 ans. Elle ne sait pas encore si elle aura le courage de témoigner devant la commission d'enquête.

Ce fut notamment le cas lors de la Commission de vérité et de réconciliation sur les pensionnats autochtones.

Pauvreté, drogue, violence

L'enquête publique ne devrait pas se limiter à la disparition et aux meurtres des femmes autochtones, selon plusieurs groupes.

«La question de la pauvreté abjecte doit être intrinsèque à cette commission, explique le chef Day. Elle mène parfois au trafic de drogue, à la prostitution, à la violence conjugale.» Une commission qui n'aborderait pas ces aspects serait incomplète, selon lui.

La commission, ajoute-t-il, devrait également se pencher sur les facteurs d'ordre économique, l'éducation, et les relations avec les forces de l'ordre.

Une escouade spéciale?

Il faut également être prêt à faire face aux révélations qui feront surface, ajoute le chef Day.

Certains groupes autochtones suggèrent même la mise sur pied d'une escouade nationale sur les crimes autochtones, pour effectuer des suivis. Un peu comme l'UPAC au Québec, qui a fait des enquêtes en suivi à la commission Charbonneau.

« Val-d'Or, ce n'est pas Winnipeg »

La ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett, souhaiterait également tenir compte des différences régionales dans le fonctionnement de la commission.

«La réalité du Highway of Tears en Colombie-Britannique est différente de celle des réserves près de Winnipeg ou de celle des femmes autochtones de Val-d'Or, selon une source près du dossier. Les Autochtones de Toronto ont des défis différents que ceux du nord de l'Ontario, il faut en tenir compte.»

Une des suggestions sur le bureau de la ministre : la création de sous-commissions régionales, basée sur le modèle australien de la Commission royale d'enquête de 1987 sur les morts d'Autochtones en détention.

Jusqu'à cinq sous-commissions pourraient être envisagées, soit : le Québec/Atlantique, l'Ontario, le Manitoba et les Prairies, la Colombie-Britannique et le Nord.

«Ça permettrait de tenir de multiples audiences en même temps, et donc d'accélérer la cueillette des témoignages et des données, afin de raccourcir la durée de la commission nationale.»

Dépassement de coûts?

Plusieurs se demandent en effet si les 40 millions de dollars sur deux ans, promis par le Parti libéral durant la campagne électorale, seront suffisants pour bien mener la commission à terme.

«Si on regarde la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) elle a pris 6 ans et a coûté 60 M$, indique une personne liée au dossier. Ce sera impossible pour la commission sur les femmes autochtones de couvrir tout le pays en seulement 2 ans.»

Bon nombre de groupes autochtones exigent également que la commission ait le pouvoir d'émettre des sommations à comparaître et à produire des documents, ce qui n'était pas le cas pour la CVR.

Plusieurs exigent également, en coulisse, que le rapport soit remis directement au Bureau du conseil privé (qui relève directement du premier ministre) plutôt qu'au ministère des Affaires autochtones «parce que la bureaucratie du ministère des Affaires autochtones est encore souvent critiquée pour son attitude paternaliste», selon plusieurs sources.

Commissaire pressentie

Une juge autochtone de la Saskatchewan est une des femmes pressenties pour diriger la commission selon plusieurs sources proches du dossier.

Mary Ellen Turpel-Lafond, âgée de 52 ans, est présentement protectrice de la jeunesse en Colombie-Britannique. Son mandat se termine en 2016. Elle est née d'un père cri et d'une mère écossaise. Elle a fait son droit à Osgoode Hall, sa maîtrise en droit international à l'Université de Cambridge et son doctorat à Harvard.

D'autres noms circulent, soit comme commissaire principale ou régionale, dont Michelle Audette, Roberta Jamieson, Dawn Harvard-Laval.

«Ces femmes sont d'ardentes défenderesses de la cause des enfants, des femmes et des familles autochtones, constate le grand chef de l'Ontario Isadore Day. Elles sont compétentes, compassionnelles avec des principes solides, elles devraient jouer un rôle intégral dans cette commission.»

Open Image Modal

Open Image Modal

INOLTRE SU HUFFPOST

Des femmes autochtones portées disparues au Canada
Maisy Odjick(01 of14)
Open Image Modal
Maisy Odjick a été vue pour la dernière fois le 6 septembre 2008 à Maniwaki, au Québec. Elle avait 16 ans au moment de sa disparition. Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Shannon Alexander(02 of14)
Open Image Modal
Shannon Alexander a été vue pour la dernière fois le 6 septembre 2008, après avoir passé la nuit au domicile de son amie Maisy Odjick à Maniwaki, au Québec. Elle avait 17 ans au moment de sa disparition.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Shelly Dene(03 of14)
Open Image Modal
Shelly Dene, âgée de 26 ans au moment de sa disparition, a été vue pour la dernière fois à Edmonton, en Alberta, en juillet 2013.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Shelly Dene(04 of14)
Open Image Modal
(credit:Facebook)
Elaine Frieda Alook(05 of14)
Open Image Modal
Elaine Frieda Alook avait 35 ans au moment de sa disparition. Elle a été vue pour la dernière fois le 11 mai 2004 sur Tower Road, à l'extérieur de Fort McMurray en Alberta.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Abigail Andrews(06 of14)
Open Image Modal
Abigail Patrice Andrews est portée disparu de Fort St-John, en Colombie-Britannique, depuis le 7 avril 2010. Elle avait 28 ans au moment de sa disparition.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Shelley Anderson(07 of14)
Open Image Modal
En juillet 2010, la Police provinciale de l’Ontario a appris que les chèques pour invalidités de Shelley Anderson étaient retournés sans avoir été encaissés. Les agents qui se sont rendus à son domicile n’ont pas pu la localiser. Elle a été vue pour la dernière fois dans le secteurs de Haileybury et Cobalt au Nord-Est de l’Ontario à l’été 2009. Elle avait 51 ans au moment de sa disparition.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit: The National Centre for Missing Persons)
Cynthia Albena Audy (a.k.a. Stevens)(08 of14)
Open Image Modal
Cynthia Audy a été vue pour la dernière fois le 28 octobre 2004 au nord de Winnipeg montant à bord d’un véhicule. Elle avait 27 ans.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit: The National Centre for Missing Persons)
Emily Norma Ballantyne(09 of14)
Open Image Modal
Emily Ballantyne a été vue pour la dernière fois par sa famille le 25 avril 1991. Une enquête de la police a révélé qu’elle a quitté Lynn Lake, au Manitoba, avec deux hommes en direction de Thompson. Le trio est arrivé à Thompson tard dans la nuit du 27 avril et se sont séparés. Des relevés indiquent qu’Emily est entré en contact avec son mari par téléphone le 28 avril 1991. Elle n’a pas été vue depuis. Elle avait 24 ans au moment de sa disparition.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Amanda Bartlett(10 of14)
Open Image Modal
Amanda Bartlett a été vue pour la dernière fois par un membre de sa famille à l’intersection de Selkirk Avenue et de Salter Street à Winnipeg en juillet 1996. Elle était âgée de 17 ans à ce moment et n’a pas été revue depuis.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Lori Lee Berens(11 of14)
Open Image Modal
Lori Lee Berens a été vue pour la dernière fois à Winnipeg en janvier 1985. Elle était alors âgée de 20 ans. Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Delores Dawn Brower(12 of14)
Open Image Modal
Delores Brower a été vue pour la dernière fois le 13 mai 2004 à 5h40 du matin à l’intersection de 118 Avenue et 70th Street à Edmonton, en Alberta. Elle avait 32 ans. Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)
Maggie Lea Burke(13 of14)
Open Image Modal
Maggie Burke a été vue pour la dernière fois le 9 décembre 2004 à Edmonton, en Alberta. Elle avait 22 ans.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit: The National Centre for Missing Persons)
Chantelle Alice Rose Bushie(14 of14)
Open Image Modal
Chantelle Bushie a été vue pour la dernière fois à Grande Prairie, en Alberta. Elle avait 16 ans au moment de sa disparition.Si vous détenez des informations, contactez Crime Stoppers au 1-800-222-8477. Crime Stoppers recueille des informations de façon anonyme. (credit:The National Centre for Missing Persons)

-- Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.