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Comment expliquer la popularité de PKP?

Comment expliquer la popularité de PKP?
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Patrick Lauzon via FOTOimage

QUÉBEC - Il n'a aucune expérience politique, son programme demeure vague et il multiplie les bourdes. Pourtant, Pierre Karl Péladeau domine outrageusement les sondages dans la course à la chefferie du Parti québécois. Analyse d'un mystère nommé PKP.

Pierre Karl Péladeau s'inscrit dans une lignée de nouveaux politiciens - anciens journalistes, artistes et gens d'affaires - qui ont émergé au cours des dernières années, explique Guylaine Martel, professeure titulaire au département d'information et de communication à l'Université Laval. Ses travaux sur la personnalité des élus l'ont amené a étudié en profondeur le cas du maire de Québec, Régis Labeaume.

Et PKP, c'est Régis Labeaume à la puissance 10. En effet, le maire de Québec a fait fortune dans les mines avant d'être, on l'oublie, candidat défait du PQ en 1998. «Ce ne sont pas des politiciens de carrière, souligne Guylaine Martel. Leur discours semble plus spontané. Et la spontanéité est perçue comme de l'authenticité, comme de l'honnêteté.»

Le titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l'UQAM, Bernard Motulsky, y voit carrément une stratégie de communication. «C'est une spontanéité réelle, mais entretenue, cultivée, dit-il. Ses sorties sont calculées, mais avec une certaine dose d'improvisation.»

Une approche qui plaît au public, croit Guylaine Martel, après des années de langue de bois et de scandales qui ont rendu les citoyens cyniques envers la classe politique.

Les sondages tendent à lui donner raison. Un PQ mené par l'ex-magnat de la presse obtiendrait 37% des suffrages, contre 33% pour le PLQ, révélait un sondage CROP-La Presse publié cette semaine. PKP récolte également 63% des intentions de vote chez les sympathisants péquistes, selon un récent coup de sonde de la firme Léger.

Politicien Inc.

À l'image d'un autre magnat de la presse devenu politicien, Michael Bloomberg, le député de Saint-Jérôme projette également l'image de l'homme d'affaires qui a réussi. Celui qui saura transposer ses principes de saine gestion à l'État québécois.

Le discours du bon gestionnaire n'est pas nouveau. Jean Charest et Mario Dumont l'ont proposé auparavant. Mais la crise économique de 2008 a cristallisé le désir d'un État bien géré dans l'opinion publique, croit Thierry Giasson, professeur agrégé au département de science politique à l'Université Laval. Et un ancien PDG est tout désigné pour ce rôle. «Certains y voient un modèle intéressant pour la gestion et la gouverne du Québec, dit-il. Je pense qu'il va beaucoup jouer là-dessus.» La stratégie a également l'avantage de couper l'herbe sous le pied d'un autre ancien homme d'affaires, le chef de la CAQ, François Legault.

Toutefois, même si les journaux de Québecor ont été des fers de lance du discours contre le gaspillage des fonds publics, notamment avec la célèbre série «Le Québec dans le rouge», le candidat Péladeau ne mise pas sur cet argument pour l'instant, précise Thierry Giasson.

En fait, PKP a réussi à brouiller les cartes. Alors qu'il était connu comme un patron antisyndicaliste, l'homme politique entretient parfois un discours social-démocrate. Si bien que le récent sondage CROP démontre que la population ne sait plus s'il campe à gauche ou à droite.

Discours populiste

Nouveau venu en politique, Pierre Karl Péladeau a parfois de la difficulté à communiquer ses idées clairement. «Ce n'est pas un orateur très éloquent, souligne Thierry Giasson. Il ne s'exprime pas de façon très claire.» Il crée aussi régulièrement la controverse, notamment avec ses publications sur Facebook.

Pourtant, même ces défauts et ces bourdes jouent en sa faveur. «Nous sommes dans une ère où on valorise énormément l'individu, dit Guylaine Martel. Donc, tout ce qui le fait paraître comme un être humain avec ses défauts et ses qualités est particulièrement bien reçu.»

Bernard Motulsky cite l'incident de Rouyn-Noranda, où le candidat à la chefferie a réclamé une chanson «en français» à un groupe au répertoire anglophone. Si l'événement n'était pas mis en scène, la suite a été «soigneusement cultivée» afin de démontrer l'authenticité du personnage, croit le spécialiste. Plutôt que de se rétracter, PKP a réitéré son amour du français. «En somme, il a dit 'je suis comme ça, je dis ce que je pense'», souligne Bernard Motulsky.

Le député de Saint-Jérôme aime également adapter son style à son public. Devant un parterre d'étudiants à l'Université Laval, il puise dans son bac en philosophie pour citer Kant et Heidegger. Mais devant les travailleurs d'une fonderie, il emprunte un accent digne du syndicaliste Michel Chartrand pour dénoncer la délocalisation des emplois: «[...] pis on va continuer, nous autres les suckers, à les acheter ces couvercles-là? Ça n’a pas de bons sens!»

«Il joue sur différents niveaux de langages, dit Thierry Giasson. Parfois, c'est très populaire, d'autres fois, c'est très élitiste.»

Trop d'attention médiatique?

Pierre Karl Péladeau exerce un attrait indéniable sur les médias en raison de son statut d'homme d'affaires et de sa proximité avec le show-business. Lors de son passage à l'émission Tout le monde en parle, son adversaire dans la course à la chefferie, Martine Ouellet, a d'ailleurs déploré le manque d'équilibre dans la couverture médiatique.

Si le meneur obtient une importante couverture médiatique, elle demeure relativement modeste en comparaison des intentions de vote. Selon Influence communication, PKP a obtenu 35,2% de la couverture médiatique entre le 1er janvier et le 9 février 2015.

Ses adversaires se sont partagé le reste de l'attention médiatique. Bernard Drainville a obtenu 23,73% du poids média, suivi d'Alexandre Cloutier 19,75%, Martine Ouellet (14,78%) et Pierre Céré (6,41%). Ce dernier ne siège pas au parlement et obtient entre 0% et 2% dans les intentions de vote.

À titre de comparaison, lors de la course à la chefferie du PQ qui a mené à l'élection d'André Boisclair en 2005, ce dernier a obtenu une couverture médiatique de 31,68%, toujours selon Influence communication. En seconde place, on retrouvait Pauline Marois avec 22,96%. Richard Legendre (12,15%), Louis Bernard (8,32%) et Jean Ouimet (5,98%) complétaient le top 5. À noter toutefois, neuf candidats se disputaient l'attention des médias.

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