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Le meurtre de Jocelyne Lizotte souligne les limites de l'aide à mourir

Le meurtre de Jocelyne Lizotte souligne les limites de l'aide à mourir

À l'heure actuelle, les gens atteints de la maladie d'Alzheimer ne peuvent demander l'aide médicale à mourir parce qu'ils ne sont pas aptes à consentir. Certaines personnes réclament qu'il soit possible de fournir un consentement anticipé, mais d'autres invitent à la prudence.

Un texte d’Olivier Bachand

Isabel Petit, qui prend soin tous les jours de son mari atteint d'un cancer et de la maladie d'Alzheimer au Centre d’hébergement Paul-Lizotte, dans le nord de Montréal, a été interpellée par le cas de Jocelyne Lizotte.

Cette femme atteinte d’alzheimer a été tuée lundi dans un centre d’hébergement du centre-ville de Montréal. C’est son conjoint, Michel Cadotte, qui aurait mis fin à ses jours, dans ce qui semble être un crime par compassion. L’homme de 55 ans a été accusé de meurtre non prémédité.

Aujourd’hui, Guy Lacoste, le mari d'Isabel Petit, ne reconnaît plus sa femme, ne parle presque plus et doit avoir de l’aide pour manger.

«Il n’a plus de vie. Guy reste assis ou couché toute la journée. Il a un petit peu de la misère à se déplacer à cause de son cancer, de sa maladie des os.» ― Isabel Petit, femme de Guy Lacoste

Même s’il souffre physiquement, il ne peut obtenir l’aide médicale à mourir, puisqu’il n’est pas apte à y consentir de façon éclairée, comme tous ceux qui sont atteints d’alzheimer à un stade avancé.

Isabel Petit croit que son mari aurait probablement voulu en bénéficier pour finir ses jours dans la dignité.

« Qu’est-ce qu’il ferait lui, s’il était dans cette situation-là? Est-ce qu’il voudrait mourir rapidement? C’est clair : je pense que ça serait oui. »

Le cas de Jocelyne Lizotte

La famille de Jocelyne Lizotte aurait réclamé l’aide médicale à mourir pour cette dernière, mais la demande aurait été refusée.

Interrogé à ce sujet, le ministre de la Santé Gaétan Barrette confirme qu’une personne ne peut bénéficier de cette procédure dans de telles circonstances.

«Il est clair que dans la loi actuelle, que ce soit la loi québécoise ou la loi canadienne, [Jocelyne Lizotte] ne pouvait pas avoir accès à l’aide médicale à mourir au moment où ce drame-là est survenu.» ―Gaétan Barrette, ministre de la Santé

Porte-parole de l’opposition en matière de soins de fin de vie, la députée péquiste Véronique Hivon a rappelé l’importance d’encadrer l’aide médicale à mourir, vu ses conséquences irréversibles.

« C’est très important qu’il y ait des critères très stricts pour éviter toute forme de dérive, pour s’assurer que les gens ont confiance dans le système, mais qu’en même temps, notre système [soit] fait de compassion et d’entraide. »

La députée se dit prête à débattre de la possibilité de permettre à une personne de réclamer l'aide médicale à mourir à l'avance, lorsqu'elle est encore apte à prendre cette décision.

Aller plus loin

Pour le moment, un patient peut refuser de recevoir des soins dans l'avenir, avant de perdre son aptitude à consentir de façon éclairée.

Une personne peut ainsi spécifier qu’elle ne souhaite pas de réanimation cardiaque, ou encore qu'elle refuse d’être traitée si jamais elle contracte une maladie aiguë, comme une pneumonie.

Par contre, il est impossible de demander l’aide médicale à mourir de façon anticipée.

Selon l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, il faut ajouter cette possibilité à la loi fédérale qui a été adoptée pour légaliser l’aide à mourir.

«Les directives médicales anticipées permettraient de demander l’aide médicale à mourir à partir d’une certaine étape que la personne pourra décider elle-même, par exemple : "Lorsque je ne reconnaîtrai plus mes enfants".» ― Dr Georges L’Espérance, président de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité

D’autres médecins estiment cependant qu’il faut agir avec prudence, comme le Dr David Lussier, qui est membre de la Commission sur les soins de fin de vie.

« Je crois que si on le fait, il faut le faire de façon très réfléchie, parce que ce ne sera pas simple à appliquer », affirme-t-il.

Il indique qu'un seul pays, soit les Pays-Bas, a décidé d’autoriser ce qu’on appelle les directives médicales anticipées.

Voir aussi:

8 faits sur la maladie d'Alzheimer
Plus de femmes touchées(01 of08)
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Les femmes sont plus touchées que les hommes. Leur risque relatif s’établit entre 1,5 et 2 cas (pour 1 cas masculin). Source : Inserm, valable pour l'ensemble du diaporama. (credit:Shutterstock)
Il existe d'autres symptômes(02 of08)
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Outre les problèmes de mémoire, la maladie se caractérise par des troubles progressifs du langage (aphasie), de l’écriture (dysorthographie), du mouvement (apraxie), de l’humeur (anxiété, dépression irritabilité) et du sommeil (insomnie). Le diagnostic de certitude repose sur l’analyse histologique des lésions cérébrales après le décès du patient : les plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires. (credit:Shutterstock)
La maladie d’Alzheimer possède une base génétique(03 of08)
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Le risque de la contracter est en effet multiplié par trois si un apparenté au premier degré est touché, par sept si deux ou plus le sont. Les études de jumeaux confirment cette agrégation familiale. Trois gènes sont impliqués dans les formes familiales précoces, associées à une transmission autosomique dominante (APP, préséniline 1, préséniline 2). Plusieurs associations génétiques ont été décrites dans les formes tardives. L’allèle APOEe4, présent chez 10 à 20 % de la population, multiplie par exemple le risque de maladie d’Azheimer par deux. Trois nouveaux gènes ont été récemment impliqués dans ces formes tardives, la clusterine, le récepteur du complément et picalm qui expliquent à eux trois environ 20 % des cas. (credit:Shutterstock)
L’environnement joue aussi un rôle(04 of08)
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Parmi les facteurs de risque ayant été cités dans la littérature, mais toujours débattus, on peut citer le (faible) niveau de revenus et d’instruction, l’exposition à l’aluminium et aux solvants organiques, les microtraumatismes crâniens à répétition ou une moindre stimulation intellectuelle. Les facteurs protecteurs comme la consommation régulière de vin rouge en petites quantités, les traitements anti-inflammatoires à base de substances non stéroïdiennes, le traitement hormonal de substitution ou la consommation régulière d’anti-oxydants sont tout aussi discutés. (credit:Shutterstock)
La maladie se dépiste(05 of08)
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Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est porté par le clinicien avec une forte probabilité à partir de tests standardisés permettant de caractériser les déficits mnésiques chez le patient, et il est renforcé par l’imagerie cérébrale et l’évolution du patient au fil des consultations. (credit:Shutterstock)
Le trouble de la mémoire est le plus constant et le plus précoce des symptômes de la maladie d’Alzheimer(06 of08)
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Les symptômes de déficit mnésique apparaissent en général dès le début de la maladie et peuvent être identifiés par l’entourage du patient, même si une confusion avec d’autres troubles est toujours possible. (credit:Shutterstock)
La durée de la maladie d’Alzheimer est variable selon les individus(07 of08)
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Elle tend à augmenter depuis quelques années, en raison de l’efficacité du diagnostic et de l’amélioration des traitements. Actuellement, un patient atteint de maladie d’Alzheimer meurt en moyenne dix ans après le diagnostic. Dans cette période, très pénible pour le malade et ses proches, le sujet perd peu à peu son autonomie. On distingue quatre phases de gravité croissante (de légère à sévère) selon l’altération des capacités intellectuelles et physiques du malade. Il est à noter que la maladie d’Alzheimer ne doit pas être confondue avec d’autres démences aux symptômes parfois proches et dont les causes sont dégénératives (maladie à corps de Lewy, démences frontotemporales, par exemple), transmissibles (syphilis, démence liée au sida, maladie de Creutzfeldt-Jakob, par exemple) et vasculaires (démence par infarctus multiples, maladie de Binswanger). (credit:Shutterstock)
La recherche avance(08 of08)
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Le volet recherche de cette maladie s’appuie sur une Fondation nationale de coopération scientifique hébergée à l’Inserm. La mission de cette structure souple et dynamique est de développer les forces de recherche en France, attirer de nouvelles équipes et de jeunes chercheurs, renforcer les centres cliniques les plus performants et développer les interactions avec l’industrie pharmaceutique et les entreprises de biotechnologie. Enfin, la Fondation a lancé sous l’impulsion de la présidence française de l’Union européenne une vaste initiative de programmation conjointe de la recherche sur les maladies neurodégénératives et en particulier la maladie d’Alzheimer regroupant 20 pays.En 2008, pour mobiliser l’effort national contre ce problème de santé publique majeur, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a décidé de lancer le 1er février 2008, un plan national sur 5 ans sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, avec 3 axes majeurs :améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles,comprendre pour pouvoir agir,mobiliser pour un enjeu de société. (credit:Shutterstock)

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