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Pourquoi Uber refuse-t-il le cadre légal québécois?

Uber fait partie d'un phénomène mieux connu sous le nom de néolibéralisme.
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«La liberté absolue, c'est le droit du plus fort de dominer.

Elle maintient donc les conflits qui profitent à l'injustice»

-Albert Camus

Depuis son implantation au Québec, la compagnie Uber provoque de vives réactions. Les chauffeurs de taxi accusent notamment Uber de concurrence déloyale et d'opérer dans l'illégalité. En effet, la compagnie d'origine américaine offrirait un service similaire à celui des taxis, mais ses chauffeurs n'ont pas à payer de permis pour offrir leurs services et contourneraient bon nombre de lois auxquelles doivent se soumettre les chauffeurs de taxi traditionnels.

Ne sachant pas vraiment comment gérer ce problème, le gouvernement du Québec a récemment décidé de mettre sur pied une commission parlementaire afin de discuter d'Uber avec son directeur général au Québec, Jean-Nicolas Guillemette ainsi que les acteurs sociaux concernés.

Le 19 février, première journée de cette commission, les échanges sont déjà musclés. M. Guillemette, a en effet affirmé que sa compagnie ne cesserait pas ses activités durant la commission même si le gouvernement affirme que celles-ci sont illégales et qu'une trêve permettrait sans doute une résolution plus rapide du conflit.

Pour certains, Uber n'est qu'une entreprise comme les autres qui offre un nouveau service pour répondre à une demande. Mais cette vision est beaucoup trop simpliste et ne prend pas en compte le contexte dans lequel s'inscrit l'entreprise.

Uber fait partie d'un phénomène mieux connu sous le nom de néolibéralisme. Le néolibéralisme préconise notamment de diminuer le pouvoir des États afin de laisser plus de place au libre marché. Dans notre histoire récente, les principes néolibéraux ont pris différentes formes. Dans les années 1980, le néolibéralisme débute sur le plan politique avec Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis. La signature, dans les années qui suivirent, de nombreux traités de libre-échange s'inscrit également dans une logique néolibérale.

Bien que le néolibéralisme se retrouve encore au sein de la politique institutionnelle, plusieurs décisions du gouvernement Couillard sont pleinement cohérentes avec cette idéologie, nous assistons aujourd'hui à une nouvelle forme de la mise en application du néolibéralisme. Cette dernière consiste, pour des entreprises privées, à opérer hors du cadre légal ou à la limite de celui-ci. Uber ainsi que le phénomène des paradis fiscaux s'inscrivent dans ces pratiques.

Pierre Lemieux, un digne représentant de l'anarcho-capitalisme [1] au Québec, publiait une lettre ouverte dans Le Devoir intitulée Apologie de la résistance fiscale. Dans cette lettre, Lemieux affirme qu'il est légitime pour une entreprise d'œuvrer hors du cadre légal lorsque l'État est trop gourmand. En agissant au sein d'une économie parallèle, les entreprises font concurrence à l'État. Comme ce dernier est impuissant face à ce type de méthodes, il n'aura d'autre choix que d'offrir des réglementations et des taux d'imposition moins contraignants [2].

Notre objectif ici n'est pas d'accoler l'étiquette d'anarcho-capitaliste à Uber mais plutôt de démontrer dans quelle logique ses actions s'inscrivent. Nous voyons donc que les méthodes adoptées par Uber sont pleinement cohérentes avec ce que propose Pierre Lemieux. Et tout semble indiquer que cela fonctionne.

En effet, pourquoi une entreprise comme Uber, qui opère hors du cadre légal, est-elle invitée à une commission parlementaire plutôt que d'être traduite en justice? Notre hypothèse est que le gouvernement du Québec, malgré tout, souhaite qu'Uber reste au Québec. Uber est une entreprise avec des moyens financiers considérables et il est évident que le gouvernement du Québec voudrait avoir sa part. Mais il sait également que s'il est trop gourmand, l'entreprise se délocalisera là où les règlementations lui sont plus favorables.

Uber peut rester dans l'illégalité, engranger d'importants profits tout en conservant une position favorable dans le rapport de force qu'il entretient avec le gouvernement. Ce dernier est donc soumis au chantage d'une entreprise privée qui a le culot de dire devant 450 000 personnes lors de l'émission Tout le monde en parle, qu'elle ne cessera pas ses activités même si elles sont illégales.

Ce que nous avons souhaité illustrer dans ce texte, c'est le phénomène qui a cours actuellement au Québec et ailleurs dans le monde. Le pouvoir des États tend de plus en plus à s'affaiblir au profit des entreprises privées. Ces derniers n'osent plus imposer les entreprises de peur qu'elles partent et ils vont même jusqu'à payer le gros prix pour tenter de les attirer sur leur territoire.

Pour plusieurs, le néolibéralisme rime avec une augmentation des inégalités, mais le phénomène ne se limite pas à cela. Il implique également d'importants changements dans la manière dont les gouvernements peuvent agir politiquement. Cette transformation entraîne une dépolitisation de la sphère économique. L'État se retire et c'est le marché, la concurrence et les entreprises privées qui viennent occuper l'espace laissé vacant. De telles mutations ne peuvent qu'entraîner un effritement de la démocratie au profit d'un système oligarchique.

Références

[1] L'anarcho-capitalisme peut être compris comme une forme radicalisée des idées néolibérales. Il affirme qu'il serait à la fois possible et souhaitable de privatiser l'ensemble des domaines relevant généralement de la sphère publique (Police, armée, route, etc.).

[2] Pierre Lemieux, Apologie de la résistance fiscale, Le Devoir (Montréal) 15 octobre 1996. P. 8

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Uber en commission parlementaire à Québec
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Au moment où les audiences débutaient, une cinquantaine de chauffeurs de taxi ont quitté la salle massivement, mais en silence. (credit:Alice Chiche)
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Le DG d'Uber Montréal a finalement témoigné devant une salle vide. (credit:Alice Chiche)
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Différents choix de voiture(10 of21)
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Uber offre la possibilité de commander une voiture de luxe via uberSELECT.Possible aussi d'avoir une plus grande auto en sélectionnant uberXL. Une bonne option si vous êtes plus que trois ou quatre passagers.Pour les courses les moins chères, il faut choisir uberX. (credit:Uber)
Pas besoin d'argent liquide!(11 of21)
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Vous avez oubliez votre porte-feuille? Pas grave, tant que vous avez votre cellulaire! Uber charge automatiquement la course sur votre carte de crédit enregistrée au compte dès votre sortie du taxi. Un reçu est envoyé par courriel. (credit:SHUTTERSTOCK / IGOR.STEVANOVIC)
Séparer le coût de la course(12 of21)
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Vous ne vous entendez pas sur celui qui paiera la course? Pas de problème. Uber propose de séparer la facture avec vos amis abonnés au service. (credit:MIKE HARRINGTON VIA GETTY IMAGES)
Notez votre chauffeur(13 of21)
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Les passagers peuvent noter (de façon anonyme) leur expérience avec leur chauffeur et laisser des commentaires. Inversement, vos chauffeurs aussi vous notent. Ça leur permet d'évaluer quel utilisateur vous êtes avant de vous embarquer.Après trop de mauvaises notes, Uber peut suspendre un chauffeur. (credit:Getty Images)
Attention aux tarifs majorés!(14 of21)
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Uber augmente ses tarifs lorsque la demande est trop forte par rapport au nombre de conducteurs. Le vendredi soir ou lors de festivités par exemple. Cela vise à inciter plus de chauffeurs à prendre le volant.Uber indique toutefois aux utilisateurs lorsque le tarif est multiplié.La compagnie avait fait les manchettes au lendemain des festivités du jour de l'an, pour des prix jusqu'à sept fois supérieurs au tarif habituel. (credit:MARTIN DIMITROV VIA GETTY IMAGES)
L'industrie du taxi en rogne!(15 of21)
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«Inspection mécanique, cours d'un mois pour chauffer un taxi, TPS, TVQ, 15 % de déduction à la source, 20 % d'impôt... Au bout de l'année, ça fait 50 %. Uber n'aura plus de chauffeurs, s'ils sont soumis aux mêmes règles que nous», soutient le chauffeur et propriétaire d'un taxi, Marc Turgeon. (credit:GETTY IMAGES)
Les chauffeurs demandent parfois de s'asseoir à l'avant(16 of21)
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Ne soyez pas surpris si certains chauffeurs vous proposent de vous asseoir sur le siège avant de leur voiture. C'est que le service Uber soulève la grogne au sein de l'industrie du taxi. Ils le font donc pas précaution pour ne pas être identifiable. (Faut dire qu'il est plutôt rare de s'asseoir seul sur la banquette arrière lorsqu'un ami nous transporte.) (credit:ROBIN MACDOUGALL VIA GETTY IMAGES)
Course sûre(17 of21)
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«Lorsqu'un chauffeur vous est attribué, le nom du chauffeur, la plaque d'immatriculation de son véhicule, sa photo et sa note s'affichent. Ainsi, vous savez à l'avance qui vous prendra en charge. Après la course, vous pourrez toujours recontacter le chauffeur si jamais vous avez oublié quelque chose dans son véhicule», explique Uber sur son site web. (credit:DR)
Impossible de le manquer(18 of21)
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Dès que vous avez commandé votre Uber, une estimation du temps d'attente est affichée. Aussi, vous recevez un SMS lorsque votre chauffeur est arrivé.Ce n'est pas tout. S'il ne vous voit pas, il peut vous joindre sur votre cellulaire. «Dans de nombreuses villes du monde entier, Uber masque les numéros de téléphone pour préserver la confidentialité des différents intervenants. Ainsi, lorsque les passagers et chauffeurs s'appellent ou s'envoient des SMS, leurs informations personnelles sont protégées», indique le service sur son site internet. (credit:GHISLAIN & MARIE DAVID DE LOSSY VIA GETTY IMAGES)
Vous avez cinq minutes pour annuler la course(19 of21)
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Si vous annulez une course plus de cinq minutes après avoir passé la commande, des frais seront chargés pour dédommager le chauffeur d'Uber. (credit:ADAM BERRY VIA GETTY IMAGES)
Présent dans plus de 375 villes(20 of21)
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En date du 9 février 2016, Uber était disponible dans 376 villes dans le monde, dont Montréal, Québec et Ottawa. (credit:Getty Images)
Plusieurs investisseurs(21 of21)
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Parmi les investisseurs dans la compagnie, on note Goldman Sachs, Google Ventures et First Round Capital. (credit:Getty Images)

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