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Surveillance sur le web: ce qu'il faut savoir

Souriez, vous êtes épiés
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ONF

Vous sentez-vous de plus en plus traqué lorsque vous naviguez sur le web? Quelles données compile-t-on sur vous exactement, pour en faire quoi et les vendre à qui? Bienvenue dans le nouveau Far West du web. Un Far West sans shérif.

Un texte de Marie-Ève Maheu

Des chercheurs s'inquiètent de plus en plus de voir nos informations personnelles collectées, analysées et vendues au privé. C'est le point de départ d'une série documentaire participative, coproduite par l'ONF et ARTE et mise en ligne le 14 avril.

Entrevue avec Sandra Rodriguez, docteure en sociologie des technologies médiatiques, qui a collaboré à cette Traque interdite.

Qu'est-ce que le web sait sur nous?

Plus qu'on ne le pense. Ce n'est un secret pour personne que des gens surveillent nos données pour nous servir de la publicité, qui serait soi-disant personnalisée. Quand ça nous est plus ou moins adressé - comme lorsque l'on vous propose une tondeuse dont vous n'avez pas besoin -, ce n'est pas très grave. Mais ce qu'on ne sait pas, c'est qu'il y a aussi toute une économie du web qui est en train de se développer autour de ces informations. Des entreprises vont récupérer nos données personnelles et les emmagasiner à très long terme pour de futurs usages. C'est là où le bât blesse. Qu'est-ce que l'on compile de nous exactement, pour en faire quoi et les vendre à qui?

Justement, que fait-on de ces données?

C'est encore un grand brouillard. On est au tout début d'une grande expérience dont on est les cobayes. Par exemple, certaines entreprises commencent à vendre des services pour identifier les bons créditeurs. On vend aussi des informations aux compagnies d'assurances, ou encore à des employeurs. Selon le genre de sites que vous fréquentez, vos amis Facebook, si vous êtes assidus ou non sur les réseaux sociaux, on vous place dans les catégories : bon employé, pas bon employé, personne qui a ou non un potentiel de rayonnement, etc.

Quelle est l'ampleur du phénomène?

On estime que 90 % des données numériques produites à l'heure actuelle l'ont été au cours des deux seules dernières années. Il y a une frénésie chez les entreprises à vouloir récupérer la plus grande quantité de données numériques possible. Elles en ont accumulé tellement qu'elles ne savent plus quoi en faire, et se retrouvent à bâtir des fermes de données de la grosseur de terrains de football. On est vraiment au début d'une ruée vers l'or qui, comme dans le Far West, n'a pas de shérif.

À qui appartiennent les données?

Il y a énormément de joueurs qui pistent les données actuellement, mais les quatre grandes entreprises qui en possèdent le plus sont Google, Apple, Amazon et Facebook.

Dans le meilleur des cas, cela pourrait être profitable à nos services de santé, ou encore servir à repenser nos villes. Le but n'est pas de diaboliser le processus, car ces données peuvent être très utiles, mais, pour être bénéfiques, elles doivent être accessibles. Or, pour le moment, elles profitent seulement au secteur privé.

Comment ça fonctionne?

Il y a les cookies que les gens connaissent, une sorte de petits logiciels qui sont mis sur un site pour dire « on sait que vous êtes venus ici ». Maintenant, il y a aussi les cookies zombies, qui se réinstallent tout seuls. Mais il y a l'idée que tout ce qu'on partage en ligne n'est jamais privé : on les partage avec des compagnies, comme Facebook. Légalement, l'information leur appartient.

Les données récoltées restent-elles anonymes?

Les entreprises publicitaires affirment qu'elles le sont, mais des chercheurs nous prouvent que ce n'est pas vrai. Il semble que seulement quatre transactions avec une carte de crédit permettraient d'identifier complètement l'utilisateur. On parle uniquement des quatre derniers chiffres de la carte. Même chose avec les GPS sur les téléphones intelligents. Des chercheurs ont montré que quatre déplacements sont suffisants pour identifier avec certitude un individu.

Combien est-ce que je vaux?

C'est le paradoxe le plus intéressant. On vaut des peanuts. Nos données personnelles valent quelques sous par individu. Par contre, si on est gravement malade et qu'on visite des sites de maladies chroniques, si on est enceinte ou si l'on va se marier prochainement, et qu'on le mentionne, la valeur de nos données explose. Elle peut passer d'un coup de 0,01 $ à 1,50 $. Il faut comprendre que, pour les entreprises publicitaires, le choix d'une femme enceinte entre Pampers et Huggies fait une grande différence pour leur client.

Comment peut-on se protéger?

L'une des premières façons, c'est de ne pas tout partager. Je ne vais peut-être pas identifier tous les membres de ma famille sur les réseaux sociaux. C'est aussi de prendre l'habitude quand on achète une nouvelle application de ne pas donner accès à toutes nos informations, comme celles de notre GPS, de notre calendrier ou de notre liste de contacts. Quand on nous le demande, il faut prendre l'habitude de dire non. Beaucoup de gens croient, lorsqu'ils envoient un message privé sur Facebook, que ce message reste privé. En fait, il appartient à Facebook. Alors, dévoiler ce rapport de force, c'est déjà faire un grand pas, car si on veut que ce soit mieux encadré, les usagers doivent comprendre ce qui se passe. Il faut montrer aux législateurs et aux gouvernements que le public est inquiet.

Et si l'on refuse tout simplement de se laisser pister?

Une chercheuse à l'Université de Princetown a fait une expérience très intéressante pour mesurer l'impact de refuser de donner ses données librement. Elle a décidé de cacher aux réseaux sociaux qu'elle était enceinte. Elle a demandé à ses amis et ses proches de ne lui envoyer aucun courriel ou message incluant le mot bébé. Elle a tout acheté avec de l'argent comptant pour éviter d'être traquée par sa carte de crédit. Au bout d'un certain temps, elle a reçu des avis lui disant qu'elle avait été mise sur une liste de personnes potentiellement frauduleuses, parce que quelqu'un qui prend autant d'effort pour cacher quelque chose doit justement avoir quelque chose à cacher. Pour cette industrie, ne pas partager l'information, c'est en soi suspect.

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8 astuces pour sécuriser sa vie privée en ligne
Avoir un mot de passe "fort"(01 of08)
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Avant toute chose, il est important de sécuriser ses mots de passe, ce que l'on appelle avoir un mot de passe "fort".Pour ce faire, il faut que celui-ci soit relativement long (au minimum 7 caractères), et pas uniquement composé de lettres. Majuscules, chiffres et signes doivent être de la partie (par exemple, "HufFington2013@PoSt!"). Pour tester la force d'un mot de passe, c'est par ici.S'il faut pouvoir s'en souvenir, il faut aussi éviter d'utiliser des noms ou chiffres facilement identifiables, tel votre date de naissance, votre numéro de département ou le nom de votre chien. Ces informations peuvent facilement être retrouvées par des pirates si vous ne faites pas très attention à votre vie privée. (credit:Shutterstock)
Diversifier ses mots de passe(02 of08)
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Mais avoir un mot de passe fort ne suffit pas, il faut penser à les diversifier. Car si jamais l'un des sites sur lequel vous êtes connecté est piraté, alors tous vos comptes sont potentiellement concernés si vous n'avez pas différents mots de passe.Dans l'idéal, il faudrait avoir un mot de passe pour chaque site. Dans les faits, vous pouvez utiliser le même mot de passe, relativement basique, pour tous les sites non-critiques (forums, site d'entraide, etc) avec quelques variables (une majuscule, un chiffre, un signe de ponctuation, etc).Par contre, pour des sites regroupant plusieurs informations (une boite mail) ou sur lesquels des informations personnelles comme vos coordonnées bancaires sont stockées, n'hésitez pas à "blinder" votre mot de passe.Enfin, si vous n'avez pas de mémoire, plutôt que de noter votre mot de passe sur des bouts de papiers, vous pouvez utiliser un gestionnaire de mots de passe. La plupart sont cryptés et sécurisés, mais cela revient tout de même à regrouper tous ses oeufs dans le même panier. Voici un petit comparatif de ces logiciels réalisé par Tom's guide. (credit:Flickr/Ron Bennetts)
La double vérification(03 of08)
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Un mot de passe fort, c'est bien. Des mots de passe diversifiés, c'est mieux. Mais parfois, ça ne suffit pas. Sur certains sites sensibles (comme votre mail principal qui regroupe la plupart de vos informations), deux vérifications valent mieux qu'une.Ainsi, la plupart des géants du web proposent depuis peu un système de double authentification. Une fois le mot de passe tapé, il faut rentrer un code chiffré généré aléatoirement par SMS ou via une application mobile.Ce système existe entre autres chez Google, Facebook, Twitter, Microsoft, Evernote, Amazon, LinkedIn Dropbox ou encore eBay. (credit:Shutterstock)
Sécuriser sa connexion(04 of08)
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Comme dit précédemment, il faut éviter de naviguer sur des sites inconnus, peu référencés ou suspects.Car même si vous évitez d'installer des programmes sur votre ordinateur, une simple visite sur une page peut permettre à un pirate d'avoir accès à certaines informations... comme les mots de passe que vous tapez.En dehors d'une prudence à la limite de la paranoïa, il y a surtout deux choses à faire si vous n'êtes pas sûrs du site sur lequel vous êtes:• Si vous devez renseigner des informations personnelles, vérifiez que l'url (l'adresse du site) commence bien par "https" et non par "http", ce qui veut dire que la connexion est sécurisée. Un cadenas jaune doit aussi apparaître à gauche de l'adresse.• De manière générale, il peut être intéressant d'installer sur votre navigateur web des extensions permettant de bloquer le "JavaScript". Ce langage permet de rendre des pages interactives, mais peut aussi poser des problèmes de sécurité. De nombreuses extensions comme "No Script" existent sur les navigateurs Firefox et Chrome. Ils permettent de bloquer par défaut l'utilisation du JavaScript, mais vous permet de mettre les sites de votre choix sur une liste blanche. (credit:Shutterstock)
Bonus: sécuriser son smartphone(05 of08)
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C'est bien beau de sécuriser vos mots de passe, mais si vous vous faites voler votre smartphone, cela ne servira pas à grand-chose. Car sur votre téléphone, vos sessions sont en général ouvertes par défaut. Voici donc quelques autres astuces pour sécuriser son smartphone. (credit:Shutterstock)
Mettre un code de verrouillage(06 of08)
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La chose la plus simple à faire, mais aussi quelque peu contraignante, consiste à mettre en place un code de verrouillage sur l'écran d'accueil.Tous les smartphones proposent cette option, soit sous la forme d'un mot de passe, d'une série de chiffres, voire d'une forme géométrique à reproduire.Si quelqu'un souhaite utiliser votre smartphone sans votre permission, il ne pourra donc rien faire (à part appeler un numéro d'urgence) sans ce code. Par contre, vous devrez de votre côté taper ce code à chaque fois que vous voulez faire la moindre chose sur votre téléphone. (credit:Flickr/Ninja M.)
Rester en terrain connu(07 of08)
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Même si un smartphone n'est pas un ordinateur, il possède potentiellement des failles pouvant être exploitées. Ainsi, si vous voulez tenter des manipulations qui ne sont pas prévues par les constructeurs, soyez sur vos gardes.Le "jailbreak" pour l'iPhone ou "Root" pour les smartphones Android permet de déverrouiller de nombreuses fonctions, mais expose aussi le téléphone aux virus (et annule la garantie). Attention donc à vos données personnelles.Autre précision: si l'iPhone est totalement fermé par défaut, Android permet lui d'installer des applications qui ne proviennent pas directement du magasin officiel (Google Play). Si vous faites cela, soyez conscients que l'application que vous installez n'a pas été vérifiée par Google.Vous pouvez aussi mettre un antivirus sur votre smartphone, même si ceux-ci risquent de diminuer la durée de vie de votre batterie. (credit:Shutterstock)
Sécuriser ses données sur son smartphone(08 of08)
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Si vous n'avez pas envie de bloquer votre écran d'accueil, vous pouvez aussi sécuriser certaines applications ou données sur votre smartphone.Il existe de nombreuses applications sur les différents types de smartphones permettant de stocker derrière un mot de passe vos photos ou vos données, comme Picture safe.Certains programmes proposent même de mettre un mot de passe sur les applications de votre choix, comme Smart App Protector, afin que personne ne puisse utiliser votre compte Facebook par exemple. (credit:Shutterstock)

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