Je conclus présentement mon baccalauréat en science politique à l'Université Laval. Ça sent la fin dans le moment (seulement que légèrement, puisque la maîtrise m'attend en janvier). C'est ma dernière session dans ce programme, tous mes cours sont complétés exception faite de 3 crédits en langue seconde. Je ne sais pas s'il s'agit d'une formalité partagée par les autres universités. Mais à Laval, si vous voulez obtenir votre papier, vous devez faire un cours de langue seconde. Même si ce cours n'a absolument aucun lien avec mon champ de spécialisation, on me l'enfonce bien serré dans la gorge. La note que j'obtiendrais viendra s'annexer à ma moyenne. Tout ça, pour une raison administrative flagrante : l'université désire conserver ses cours de langues. Quoi de plus simple que d'en refiler le coût aux «consommateurs»?
C'est donc à reculons que je me suis présenté à mes premiers cours d'anglais. Non pas parce que j'ai la conviction que je n'apprendrais rien d'utile ou parce que je ne désire pas être sortie de ma zone de confort. Mais simplement, car je déteste me faire imposer des choses qui présentent une absence logique. Lundi dernier, j'ai donc eu droit à une bonne révision des structures de phrases en anglais écrit. Les «verbs», «nouns», «article», «pronouns», alouette. Les lettres majuscules pour les mois de l'année, les jours, les nations, les religions et surtout pour le fameux «I». Le «je» anglais qui est toujours écrit en majuscule peut importe où il se situ dans la phrase. Un excellent indicateur sur l'image que les anglophones ont d'eux-mêmes.
Réminiscence d'un non-sens
Je me suis ainsi retrouvé dans le cauchemar grammatical que j'ai vécu une très grande partie de ma vie d'étudiant avec ma langue maternelle : le français. J'ai eu des cours de français pendant tout le primaire, le secondaire et le collégial. J'ai eu des cours de français pendant 13 années. Treize ans d'études pour me voir, encore aujourd'hui, soutirer des points à cause de mes bévues grammaticales dans des évaluations qui n'ont rien avoir avec la langue. Je n'étais pas un excellent élève en français, mais j'étais loin d'avoir de mauvaises notes. Je trouvais juste que l'idée de mettre autant de temps sur le «comment écrire» plutôt que de l'investir sur le «quoi écrire» était complètement débile.
Respectez le code
Comprenons-nous bien, il est évident que nous devons maîtriser un certain code pour faciliter nos échanges. Mais, est-ce obligatoire que ce code soit truffé d'exceptions infondées, de répétitions inutiles, de syllabe ou de lettre aux sonorités identiques? Pourquoi mettre un «x» à genou au pluriel plutôt qu'un «s»? De toute façon, pourquoi conjuguer «les genoux»... il y a déjà «les» devant? On a compris qu'il y en a plusieurs. À quoi ça sert de pouvoir faire la même sonorité avec plusieurs lettres ou syllabes différentes? Si je veux écrire café, je le fais normalement ainsi : café. Mais je pourrais aussi bien l'écrire : caphé, kafé ou quafer. On se comprend pourtant si bien en langage oral sans toutes ses culbutes!
En langage écrit, les règles sont les règles et elles tiennent dans le vide. Il n'y a souvent rien n'a comprendre. C'est comme ça parce que c'est comme ça. On ne nous demande pas de réfléchir, on nous demande d'exécuter. La langue écrite est un fouet en colère qui s'agite sans raison en toutes directions afin de punir ses utilisateurs par simple amour des gémissements.
Un parasitisme culturellement accepté
Comme je le soulignais plus haut, j'ai passé 13 ans de ma vie à étudier le français, surtout écrit. Si cette langue était modifiée pour une plus grande efficacité, imaginez le temps qui serait dégagé pour l'étude de matières plus pertinentes. Ce n'est pas avec des connaissances grammaticales que nous allons un jour guérir le cancer, régler la faim dans le monde ou encore bâtir une société plus juste. La langue écrite est un problème que nous avons nous-mêmes créé et avec lequel nous vivons comme s'il s'agissait d'une normalité. La langue est érigée par le mouvement de nos poignets et forgée par l'action de nos doigts, ce n'est pas un obstacle incontournable posé là par la nature. C'est une de nos créations que nous défendons, sans raison, grâce au bouclier de la culture. Nos ancêtres faisaient la récolte des champs à bras ou à l'aide de la force animal, est-ce une violation de la culture que de les récolter, aujourd'hui, avec les outils technologiques que nous avons créés? Est-ce que la culture doit obligatoirement nous enchaîner au ridicule et à l'inefficacité?
Ça serait pourtant pratique de simplifier les choses. Dans une société comme le Québec où 19 % de la population est analphabète et où 34,3 % éprouvent de graves difficultés de lecture (1), ça faciliterait la tâche à ceux qui tentent de leur enseigner ainsi qu'à ceux qui désirent apprendre. Dans un monde globalisé, il y aurait beaucoup plus de chance que notre si belle langue soit comprise et pratiquée par un plus grand nombre de personnes si elle était moins capricieuse et abjecte à l'écrit.
On oublie souvent que le contenant n'est que l'instrument du contenu. On perd de vue ce qui est essentiel, lorsqu'un emballage trop clinquant vient le dérober à nos yeux. La langue française écrite se doit d'être débroussaillée et raplombée. On des chats beaucoup plus importants à fouetter que l'art de manipuler le Bescherelle.
Article précédemment publié sur l'Anticønførmiste
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