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Le coronavirus m’a fait comprendre que j’ai de la chance d’avoir des amis virtuels

Il m’a fallu une absence soudaine et inattendue de contacts sociaux physiques pour que je comprenne à quel point mes amis d’Internet sont merveilleux et précieux.
Maintenant que nous vivons dans un univers presque exclusivement virtuel, y a-t-il vraiment une différence entre les amis que nous nous faisons en ligne et ceux que nous avions dans le monde «réel»?
Prakasit Khuansuwan / EyeEm via Getty Images
Maintenant que nous vivons dans un univers presque exclusivement virtuel, y a-t-il vraiment une différence entre les amis que nous nous faisons en ligne et ceux que nous avions dans le monde «réel»?

Avant l’arrivée du coronavirus, à l’époque où je pouvais encore sortir de chez moi, j’avais mes «vrais amis» et mes «amis virtuels», deux groupes de gens bien distincts dans mon esprit. Sans nécessairement les voir tous les jours, je partageais régulièrement des contacts physiques avec mes vrais amis: restaurants, cinéma, voyages vers des destinations exotiques. Pour avoir appréhendé ma vie matérielle, ces personnes connaissaient toutes mes facettes. Je voyais cela comme un gage de qualité, comme si le temps passé ensemble physiquement équivalait à un certain degré d’intimité.

L’amitié, c’est sacré pour moi. Mes amitiés se comptent en dizaines d’années. Certaines ont plus de 30 ans. Nous avons partagé d’innombrables joies, mais aussi nos peines, nos réussites et nos échecs, nos mariages et nos divorces. Ensemble, nous avons enterré des proches.

“En ligne, on peut nourrir ses passions, séparer ses intérêts individuels et faire des choix.”

En plus de ces amis que j’ai conservés depuis l’enfance, l’université ou l’époque où je travaillais en restauration, j’ai également un réseau conséquent d’amis virtuels, des gens à qui je raconte des blagues sur la politique ou avec qui je parle de sujets aussi divers que personnels comme l’alimentation ou la parentalité. En ligne, on peut nourrir ses passions, séparer ses intérêts individuels et faire des choix. Le fait de rencontrer des personnes qui nous ressemblent davantage, dont le mode de vie se rapproche du nôtre, procure un certain sentiment de liberté et d’intimité.

Il existe toutes sortes de communautés hyperspécialisées sur Internet, dont certaines nous permettent d’exprimer notre véritable identité, comme nous le faisons rarement (voire jamais) dans le monde réel. C’est en partie pour cela que j’adore être en ligne. La toile est un lieu idéal pour se plaindre, être drôle ou laisser libre cours à ses réactions instinctives. Je peux sympathiser avec des gens qui me ressemblent et partager des tranches de ma vie ou de ma personnalité avec des personnes qui me comprennent vraiment. Je ne me dévoile pas forcément de la même manière dans la «vraie vie».

Prendre conscience de l’importance de l’amitié, même virtuelle

Avant les événements de ces dernières semaines, je n’avais jamais pris conscience de l’importance de mes amis virtuels, ni de ce qu’ils représentaient vraiment. Bien sûr, j’appréciais, du moins en surface, ce qu’ils m’offraient: avant tout, une oreille attentive. Lorsque mon mari en avait marre de m’entendre râler à propos des primaires américaines, mes amis du Web étaient là pour m’écouter. Lorsque mes amis sans enfants se fichaient de savoir que la couche de mon fils avait débordé, il y avait un groupe Facebook peuplé de mamans plus compatissantes. Lorsque le poulet rôti que j’avais réussi à la perfection n’intéressait aucun de mes amis réels, il y avait toujours un membre de mon réseau virtuel pour relayer mon triomphe culinaire.

Pourtant, ces relations virtuelles passaient après mes «vraies» amitiés. Même si je ne dînais pas avec cet internaute qui détestait Bernie Sanders autant que moi, c’était sympa de communiquer avec quelqu’un qui partageait mon avis. Malgré tout ce que ma communauté en ligne m’apportait, je ne m’étais jamais aperçue que je construisais de véritables liens qui m’offraient bien plus que la simple possibilité de lâcher un peu de pression.

Je suis aujourd’hui confinée, car je suis considérée comme une personne susceptible de développer de graves symptômes. Je souffre en effet d’asthme et de problèmes respiratoires depuis mon enfance, je me remets tout juste de deux bronchites et je vis dans une communauté et un État fortement touchés. Il m’a fallu une absence soudaine et inattendue de contacts sociaux physiques pour que je comprenne à quel point mes amis d’Internet sont (et ont toujours été) merveilleux et précieux. En bref, ma communauté virtuelle, c’est ma communauté.

“Je prends peu à peu conscience de tout ce que je leur ai laissé entrevoir de moi, même avant le confinement, de tout ce qu’ils m’ont apporté au fil des années et de ce qu’ils continuent de m’offrir maintenant que je suis dans le besoin.”

Autrefois, je pensais que la vie en ligne, bien qu’immédiatement gratifiante, n’était rien d’autre qu’une version superficielle, incomplète ou déformée de la réalité. En fait, je parle à mes amis virtuels tous les jours, pour certains davantage qu’à mes véritables amis, car je n’ai nulle part où aller. De plus, je prends peu à peu conscience de tout ce que je leur ai laissé entrevoir de moi, même avant le confinement, de tout ce qu’ils m’ont apporté au fil des années et de ce qu’ils continuent de m’offrir maintenant que je suis dans le besoin.

Mes amis virtuels et moi ne nous voyons (et ne nous verrons) peut-être jamais «en vrai», mais je ne vois pas mes amis d’enfance ou de l’université très souvent non plus, et j’ignore quand je les reverrai. À bien y réfléchir, maintenant que nous vivons dans un univers presque exclusivement virtuel, y a-t-il vraiment une différence entre les amis que nous nous faisons en ligne et ceux que nous avions dans le monde «réel»? Nous cherchons tous de nouveaux moyens d’être proches les uns des autres à une époque où nous sommes de plus en plus isolés. Nos amis virtuels sont encore plus importants qu’ils ne l’étaient il y a seulement quelques semaines. Ces relations que nous avons nouées derrière nos écrans d’ordinateur ou de téléphone sont peut-être ce qui nous permettra de survivre à cette épreuve sans précédent.

“Je sais désormais que ce qui compte vraiment, c’est d’être entendue, ce qui est tout à fait possible dans le monde virtuel.”

Contrairement aux «véritables» amitiés, les virtuelles ne naissent pas forcément de moments partagés dans l’enfance ou à l’école. En l’absence d’une histoire commune physique, certains peuvent considérer ces relations par Internet moins complexes ou moins précieuses. Mais depuis l’apparition du coronavirus, tout est plus complexe, et à la fois tellement plus simple. Je sais désormais que ce qui compte vraiment, c’est d’être entendue, ce qui est tout à fait possible dans le monde virtuel. Bien sûr, cela demande un peu plus de travail, et ce n’est pas la même chose que de se retrouver dans une pièce avec quelqu’un, mais discuter en ligne peut être une formidable thérapie et aider à se sentir un peu (voire beaucoup) moins seul.

Capacité à nouer des liens

Et peut-être qu’à l’heure où nous nous retrouvons face à nous-mêmes, le plus important est notre capacité à nouer des liens.

Sur le Web, je découvre également de nouveaux moyens de communication, j’expérimente la vulnérabilité et j’apprends à m’exprimer grâce à mes relations, qui donnent plus de profondeur à toutes mes expériences, virtuelles ou non. Mieux encore, j’utilise ces outils dans mes rapports avec mes amis «réels», qui sont désormais, il faut le dire, virtuels eux aussi.

Mes véritables amis, aujourd’hui, sont virtuels. Je n’irai peut-être jamais à leur mariage ou à l’enterrement de leurs parents. Nous n’aurons peut-être jamais d’histoires longues et compliquées comme celles que je partage avec mes amis du monde réel, qui me connaissent depuis plus longtemps et, d’une certaine manière, mieux. Mais le monde entier est en train de changer: des inconnus deviennent des amis, et vice-versa. J’assiste moi-même à cette évolution: les gens que je considérais autrefois moins importants ou moins intimes deviennent tout aussi chers que ceux qui ont toujours occupé une place centrale dans ma vie de tous les jours.

Sauf qu’il n’y a plus de «vie de tous les jours» à proprement parler, pour moi ni pour personne. Ma communauté en ligne est aussi réelle, aussi précieuse et m’offre sensiblement les mêmes choses que mes amitiés de trente ans. Je trouve dommage qu’il ait fallu une pandémie mondiale pour que j’en prenne conscience, mais je ne regrette rien. Je suis heureuse de compter de nouveaux amis, quelle que soit leur provenance, qui m’apportent réconfort et conseils, et me font rire durant ces temps incertains.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Typhaine Lecoq-Thual pour Fast ForWord, pour le HuffPost France.

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